Vie privée, un problème de vieux cons ? Retour sur la conférence de Jean-Marc Manach

Publié le lundi 13 octobre 2014.

Jean-Marc Manach a donné une conférence le jeudi 9 octobre 2014 au Conseil général de Loire-Atlantique, au titre tiré de son livre du même nom. Elle était organisée par le Conseil de développement de Loire-Atlantique.

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Son intervention a démonté des préjugés courants à propos d'internet. Il a par exemple rappelé qu'internet n'est pas une invention de l'armée américaine mais qu'il doit son existence à des chercheurs américains baignant dans la contre-culture des années 1970. Il a plus généralement contredit les peurs habituelles prétendant qu'internet augmente les dangers issus du terrorisme ou de la pédopornographie.

Il a par ailleurs expliqué que l'anonymat sur internet est en général illusoire, comme cela a été montré par les révélations d'Edward Snowden sur l'espionnage de masse de la NSA, bien qu'il existe des pratiques pour se protéger et réduire ses traces.

Il a relativisé le constat selon lequel les adolescents s'exhiberaient de façon croissante, en citant l'exemple du couple libertin Jacquie et Michel dont le site remonte aux années 1990, montrant que ceci n'est ni nouveau ni spécifiquement adolescent.

Critiquant une paranoïa rampante, Jean-Marc a expliqué la tendance à déporter ses vies sociale, privée et sexuelle vers internet par le délitement des relations dans le monde physique. Ce glissement est accompagné d'une utilisation inadéquate des outils en ligne, un « mur » Facebook étant souvent à tort considéré comme privé. Il a donné des exemples montrant que ce sont souvent l'erreur humaine ou l'action délibérément malveillante qui amènent de fâcheuses conséquences pour les individus, sans qu'internet rentre nécessairement dans l'équation : mouchardage de propos lus sur le mur d'un « ami », exploitation malveillante de données personnelles d'employés par les dirigeants d'une entreprise ou d'une administration, etc.

En association avec ce manque de discernement du public, il a rappelé que les masses de données personnelles attirent à la fois les entreprises pour leur profitabilité économique et les gouvernements pour certaines politiques sécuritaires.

En lien avec ces problèmes, il a décrit la dérive subie par la notion de droit à l'oubli : alors qu'elle a été introduite en France pour protéger les citoyens du fichage étatique de leurs données privées à travers la loi Informatique et libertés de 1978, elle a progressivement été détournée vers un outil permettant de censurer de l'information publique, comme en témoigne son intérprétation par la Cours de justice de l'Union européenne qui fait d'entreprises privées des censeurs des données publiques.

Il a plus généralement fait remarquer la présence récurrente de projets de loi aberrants à l'Assemblée nationale, proposés par les majorités successives, citant comme exemple récent le projet de loi « terrorisme » qui veut une nouvelle fois imposer le blocage de sites web en ignorant les avis d'experts, de députés et de commissions spécialisées qui en pointent tous la contre-productivité.

Il a fustigé un comportement colonialiste et paternaliste de la part de trop de responsables politiques qui ignorent les réalités d'internet tout en voulant « civiliser » ce qu'ils considèrent comme une « zone de non-droit ».

Jean-Marc a relativisé la paranoïa entourant les activités des services de renseignements occidentaux et en particulier leur capacité à examiner l'intégralité des contenus circulant sur les réseaux : il a établi un parallèle avec la paranoïa de certains représentants politiques vis-à-vis de menaces prétendument créées par internet, qui mène à des décisions anti-démocratiques. Il a rappelé que même la NSA a besoin de la collaboration d'entreprises privées.

Il a enfin précisé qu'il fallait généraliser le chiffrement par défaut pour toutes les communications personnelles afin de protéger concrètement des droits qui devraient être garantis pour l'ensemble des citoyens.