Pour l'Opération libre, Chéméré découvre le haut débit avec FAImaison

Publié le dimanche 27 septembre 2015. Dernière mise à jour le lundi 28 septembre 2015.

Dans la ville de Chéméré, entre Nantes et Pornic se déroule les 26 et 27 septembre l'Opération libre. C'est une initiative visant à publier sous licence libre diverses données sur la commune : contributions cartographiques sur OpenStreetMap, données issues des conseils municipaux, numérisation de photographies et cartes postales anciennes, prise de photographies aériennes par drone, etc. Le but ultime est d'encourager l'appropriation et la participation à la vie de la commune.

FAImaison y prend part en installant un accès à internet à haut débit sur les lieux de l'évènement. L'association montre ainsi qu'une approche participative est possible pour créer un accès à internet permettant les pratiques modernes, sans être soumis au bon vouloir des opérateurs majoritaires. Par la même occasion, FAImaison apporte à la commune un débit dont celle-ci n'a jusqu'ici jamais profité.

Un débit décent nécessaire pour l'Opération libre

Plus de cinquante personnes se regroupent pendant ce weekend durant lequel une bonne proportion des présents utilise simultanément le réseau.

De plus, l'objectif de l'évènement est la production et la mise en ligne de données libres, ce qui indique déjà à quel point un débit correct est essentiel. Certaines données sont en outre demandeuses de bande passante pour être transférées dans un temps raisonnable, comme de nombreuses photographies en haute qualité prises dans la ville.

Le bon déroulement de l'évènement dépend donc du débit disponible, à la fois montant comme descendant. Celui-ci est essentiel au partage et à la publication des contributions.

Une desserte ADSL insuffisante

Chéméré bénéficie de connectivité ADSL à un débit moyen. Un test d'éligibilité donne en effet un débit théorique descendant maximal d'environ 9 Mb/s à la mairie. Un test effectif de bande passante au restaurant où se déroulent les ateliers d'Opération libre ne donne que 3 Mb/s.

Ces chiffres s'expliquent par le fait que les lignes téléphoniques de la commune sont reliées à un nœud de raccordement (NRA) situé à plusieurs kilomètres de là, dans la ville voisine d'Arthon-en-Retz.

En outre, l'ADSL ne permet pas de dépasser 1 Mb/s en débit montant.

La situation est donc précaire et handicapante pour le déroulement de l'Opération libre : lors de la préparation de l'évènement, il a vite été question de chercher à faire mieux.

FAImaison met en place une desserte appropriée

FAImaison a mis en place un accès à internet à un débit symétrique d'environ 30 Mb/s grâce à une liaison sans fil de 13 km entre le clocher de l'église de Chéméré et le toit de l'opérateur Alphalink situé à Pornic.

Localement, les lieux de l'Opération libre ont été desservis avec ce lien : le restaurant « Le relai de Chéméré » où se déroule la plupart des ateliers thématiques, la mairie où travaille l'équipe Wikimedia et enfin le théâtre où se situent les restitutions communes de fin de journée.

Au final, les participants à Opération libre se partagent un accès plus approprié aux nécessités de l'évènement, quel que soit le lieu depuis lequel ils travaillent. Ces débits rendent possible un transfert rapide de tous types de contenus, notamment grâce à l'amélioration du débit montant particulièrement en phase avec la nature contributive de l'évènement.

Processus de réalisation

Fournir du haut débit revient à résoudre un problème : où trouver un point bien desservi et comment étendre cette desserte jusqu'au point voulu ? S'il est simple à formuler, il peut être complexe à résoudre.

Voici un petit topo des étapes de la réalisation de cette desserte.

Préparation : deux pistes envisagées

Connaissant le potentiel des technologies sans fil et leur faible coût, la réflexion s'est rapidement attelée à trouver un point bien desservi depuis lequel une ligne de vue directe existe avec un point central de Chéméré. Ces technologies exigent en effet qu'aucun obstacle conséquent ne soit présent entre deux antennes.

Comme il est plus facile de réaliser des liaisons hertziennes courtes, l'idée immédiate consistait à trouver une ligne ADSL ou VDSL2 proche du NRA d'Arthon-en-Retz, commune limitrophe de Chéméré. Dans le cas parfait, une ligne VDSL2 à proximité immédiate du NRA permet un débit descendant de 92 Mb/s et un débit montant de 36 Mb/s (chiffres annoncés par OVH). Ces chiffres décroissent cependant rapidement en s'éloignant du NRA et sont rarement atteignables en pratique. Réaliser une ouverture de ligne xDSL uniquement l'espace du weekend n'étant pas souhaité, il était nécessaire de trouver le contact de personnes vivant suffisamment à proximité du NRA et désireuses de mettre à disposition leur connexion pour le weekend.

Cette piste n'a pas été formellement éliminée, mais l'absence de contacts répondant à ces critères l'a de facto mise en suspend, laissant la place à d'autres idées.

Une autre piste a été explorée, basée sur la présence d'Alphalink à Pornic et le constat que la distance de 13 km les séparant de Chéméré est franchissable par une liaison sans fil.

Bonne surprise, le profil altimétrique sur ce tracé montre un relief favorable, c'est-à-dire deux extremités surélevées sans obstacle majeur les séparant :

Tracé approximatif du faisceau

Profil altimétrique

Après un accord de principe d'Alphalink pour nous laisser utiliser leur connexion à 40 Mb/s symétriques pendant le weekend, il fallait approfondir l'étude de faisabilité technique côté Chéméré.

Choix de points hauts à Chéméré

Un premier relevé de bâtiments et zones a priori intéressants de par leur situation et leur hauteur a été effectué, en les collectant de façon peu restrictive, d'abord en regardant simplement une carte comportant des indications d'altitude puis en allant sur place observer les points présélectionnés.

Être imaginatif et peu restrictif était important : si quelques points hauts pourraient être parfaits, des contraintes humaines ou règlementaires peuvent les rendre inaccessibles.

C'est ainsi que le sud-ouest de Chéméré, légèrement surélevé, a semblé à première vue être une zone intéressante, au vu des courbes de niveau :

Cartes schématique avec courbes de
niveaux

Enfin, outre l'évident clocher de l'église, des bâtiments tels que la salle municipale ou le théâtre pouvaient être envisageables moyennant le placement d'un mât.

Finalement, l'équipe municipale a organisé une visite du clocher en vue d'une éventuelle installation d'antenne, et il s'est avéré évident qu'un apport électrique en haut de celui-ci était aisé et que la vue semblait bien dégagée dans la direction souhaitée :

Vue depuis l'église et zone approximative à
viser

Il y avait malgré tout quelques difficultés en perspective : l'espace très restreint dans le clocher rendant difficile et acrobatique la circulation en son sein, et les abattants en bois bouchant en grande partie les ouvertures vers l'extérieur. Toutefois, ne pouvant espérer une vue extérieure aussi dégagée dans un autre lieu, c'est bien sur l'église que le dévolu a été jeté.

Choix du matériel

Le choix du matériel est important pour une liaison stable au débit correct. En se basant sur l'expérience et les conseils d'autres associations de la Fédération FDN, le choix s'est porté vers du matériel de marque Ubiquiti, en choisissant une paire d'antennes AirGrid d'une part pour le lien entre Pornic et Chéméré et un ensemble d'autres antennes NanoStation, plus petites, pour les liaisons de courte distance depuis l'église vers la mairie, le théâtre et le restaurant.

À noter que le toit d'Alphalink, à la fois en hauteur et sur la côte, a aussi influencé le choix vers des antennes à faible prise au vent au détriment d'antennes potentiellement plus puissantes mais à plus forte prise au vent.

Le matériel lors du
déballage

Premiers tests

Si les photographies et le profil altimétrique étaient encourageants, déterminer si le lien allait être fonctionnel ne pouvait être fait qu'avec un test réel.

L'antenne d'Alphalink ayant été fixée par leurs soins et pointée vers Chéméré, il était temps de pointer celle du clocher dans leur direction pour voir si elles recevaient le signal l'une de l'autre. Il était toutefois exclu de commencer de quelconques travaux de fixation dans le clocher avant d'avoir un niveau de certitude suffisant que le lien allait fonctionner.

L'antenne sur le toit
d'Alphalink

À califourchon sur l'axe de la plus haute cloche, en orientant approximativement l'antenne à la main, il a été possible d'obtenir un signal de très faible puissance. Résultat à la fois encourageant et un peu décevant : encourageant car cela semblait confirmer l'absence d'obstacle rédhibitoire sur le trajet du faisceau, mais décevant car un signal si faible ne permet pas d'atteindre un débit satisfaisant.

Pour aller un peu plus loin avant de se décider à fixer l'antenne, quelques abattants en bois ont été démontés pour tester à nouveau avec moins d'obstacles. Une amélioration du signal a été constatée immédiatement, montrant que de petites modifications peuvent avoir un impact significatif. Ceci a incité à effectivement fixer l'antenne pour régler d'autres détails permettant d'améliorer encore la qualité de la liaison : ajustement plus précis de l'orientation et sortie de l'antenne du clocher pour éviter complètement les bords du mur du clocher.

Mise en place du lien Pornic-Chéméré

Fixer l'antenne au clocher a été, de loin, la partie la plus complexe et la plus acrobatique. Sans accroche possible dans la pierre sur le mur extérieur, il fallait fixer un axe horizontal à l'intérieur et accrocher l'antenne à son extrémité, à l'extérieur. Deux points d'attache pour l'axe paraissaient envisageables : la structure métalique tenant les cloches ou la charpente en bois du clocher.

La structure métalique et la
charpente

La structure métalique est épaisse, difficile à percer et susceptible de vibrer lorsque les cloches sonnent. Le bois de la panne faîtière a donc été privilégié, d'autant plus que l'extrémité de celle-ci se situe juste au-dessus de l'ouverture la mieux orientée dans le clocher, permettant un placement de l'antenne à la plus haute position possible.

Le système de fixation de l'antenne vissé à la
panne

L'ouverture dans le clocher étant trop étroite pour faire sortir l'ensemble axe-antenne, il a fallu d'abord fixer et sortir l'axe puis placer l'antenne à son extrémité, à bout de bras. C'était l'étape la plus difficile physiquement tout en nécessitant une grande attention pour que l'antenne ne tombe pas du haut du clocher. Les tentatives pour agrandir l'ouverture en enlevant des abattants ont été infructueuses, ceux-ci résistant au maillet comme au pied-de-biche.

En train de fixer l'antenne au bout de son
axe

Une fois l'antenne fixée solidement, il était possible de la faire pivoter progressivement horizontalement et verticalement tout en étant en contact téléphonique avec Pornic et en suivant l'évolution des indicateurs de qualité de signal afin de trouver la meilleure orientation.

Le lien a été jugé satisfaisant à un niveau de signal d'environ -68dBm et des tests de débit sur le lien atteignant au maximum 40 Mb/s.

L'antenne au bout de son
axe

Mise en place de la desserte locale

La connectivité parvenant en premier lieu au clocher de l'église, les autres lieux ont été desservis avec des liaisons sans fil de courte portée depuis le clocher. La mairie comme le théâtre se situent chacun à quelques dizaines de mètres de l'église. Concernant le restaurant, un saut intermédiaire par le toit de l'entreprise Aqua Production a été réalisé.

Un commutateur réseau a été placé dans le clocher, reliant par câble l'ensemble des antennes y étant situées : l'antenne AirGrid vers Pornic et les NanoStation vers la mairie, le théâtre et Aqua Production.

Le toit d'Aqua Production a été équipé d'une paire d'antennes pour relayer le signal vers le restaurant : un court mât fiché dans un emplacement présent sur le toit a été suffisant, et de longs câbles pour alimenter les antennes.

Les NanoStations sur le toit d'Aqua
Production

Au restaurant la dernière antenne a été fixée à un pied de tabouret avec du ruban adhésif.

L'arrivée du réseau au
restaurant

Des points d'accès sans fil classiques ont finalement été placé dans chaque lieu. Le restaurant a aussi été équipé de commutateurs pour l'accès filaire de machines fixes mises à disposition par l'association Naga.

En amont, une étape de configuration de toutes les antennes a été nécessaire, sans difficulté technique majeure mais longue du fait de la répétitivité de la tâche : attribuer à chacune une adresse IP différente et paramétrer la configuration sans fil.

Coûts et temps humain

L'ensemble des antennes est revenu à environ 500€. Quelques câbles et éléments de fixation ont également été achetés pour environ 150€. Les déplacements les jours précédant l'évènement ont engendré des frais estimés à environ 100€.

Plus difficile à comptabiliser, beaucoup de matériel a été prêté par de nombreuses personnes pour l'évènement : câbles, rallonges, outils, etc.

Au total, la mise en place d'un lien à environ 30 Mb/s à Chéméré a été possible pour un coût avoisinnant 1000€. Si c'est une somme non négligeable pour un particulier, cela est très abordable à l'échelle d'une commune ou d'un collectif et peut inciter des communes attendant l'arrivée du haut débit depuis longtemps à s'intéresser à ce type de solutions, d'autant plus qu'elles sont rapides à mettre en place et non destructrices pour la voirie.

Le temps bénévole passé sur ce projet est conséquent : au moins deux membres de FAImaison ont été présents quatre à cinq heures par jour pendant les cinq jours précédant Opération libre. Le jour de la fixation dans le clocher, quatre bénévoles étaient présents toute la journée. Quelques réunions et visites de reconnaissance avaient aussi été effectuées avant cela.

L'indispensable réseau humain

Parvenir à une telle mise en place à un coût si faible est impossible sans de nombreuses bonnes volontés aptes à collaborer de façon fluide et efficace.

L'accord de principe fourni très tôt par Alphalink a été le déclencheur permettant de lancer l'initiative. Par la suite, les quelques personnes de l'entreprise motivées par le projet ont montré enthousiasme, réactivité et compétence : elles ont rapidement étudié la faisabilité du lien, conçu un dispositif de fixation et finalement assuré l'attribution d'adresses IP et le routage du trafic de et vers internet.

La commune de Chéméré et ses services techniques ont été des facilitateurs indispensables. Ils ont accordé une grande confiance à FAImaison en laissant les membres accéder librement au clocher de l'église pendant plusieurs jours et y faire des travaux. Ils ont aussi fourni aide et outils et ont aidé à établir le contact avec Aqua Production pour l'utilisation leur toit. Ici aussi, cette dernière a immédiatement donné son accord.

Un élu chéméréen travaillant au magasin Espace émeraude de Saint-Hilaire-de-Chaléons, ce dernier nous a permis de tester différents équipements de fixation dans le clocher et de ne conserver et payer que ceux effectivement utilisés.

Enfin, l'association organisatrice LiberTIC a permis les mises en relation initales, et les nombreux bénévoles participants ont fourni du matériel aidant à la finalisation des points d'accès dans les lieux desservis.

Globalement, l'attitude exceptionnellement constructive et enjouée de toutes les parties a été un facteur essentiel de réussite du projet et a engendré un travail collaboratif enthousiasmant et enrichissant. Cela montre également à quel point le réseau humain est un préalable essentiel à la création participative d'un réseau technique.

Pérennisation et avenir de l'internet à Chéméré

Après l'évènement, la question de la pérennisation de la desserte se pose, Chéméré n'ayant jusqu'ici jamais bénéficié d'un tel débit. La liaison étant fonctionnelle et testée, il existe de fait une opportunité d'en faire profiter à plus long terme des habitants de la commune dans des délais réduits.

En parallèle, Chéméré bénéficiera d'ici quelques mois du plan de montée en débit du Conseil départemental. Outre le fait que certains habitants peuvent apprécier d'être acteurs et maîtres de leur accès à internet via l'approche participative et militante de FAImaison, les deux solutions techniques doivent être vues comme complémentaires pour une bonne desserte du territoire.

Poursuivre dans cette direction nécessite la poursuite du travail collaboratif entre Chéméré, FAImaison et Alphalink, et des discussions et réflexions auront lieu dans les semaines qui viennent.